Les
camps de concentration et d'extermination n'ont pas seulement permis à des sadiques de
donner libre cours à leurs mauvais instincts. Ils étaient l'application d'un système,
qui serait devenu permanent avec la victoire des nazis, et qui était lié à des
conceptions politiques et morales de supériorité de race et de domination par la force. L'alimentation insuffisante développait, chez les détenus, toutes formes de maladies de carences : amaigrissement jusqu'au squelette ou monstrueux oedèmes, avec toutes les psychoses de la faim. Le travail forcé, la promiscuité, l'absence d'hygiène l'insuffisance des soins étaient la cause d'un taux élevé de mortalité, qu'aggravèrent encore des épidémies de typhus. Dans les blocks d'isolement avaient lieu de prétendues expériences scientifiques : inoculation du paludisme et du typhus, castration et essais de stérilisation, brûlures au phosphore, sujets placés dans l'état d'une personne élevée à 10 000 mètres et brusquement retombée, épreuves de résistance au gaz ou au froid, et mêmes pratiques de vivisection. De loin, les camps pouvaient ressembler à des maisons de fous, avec les tenues grotesques des déportés, les inapplicables mesures d'hygiène ("un pou, c'est ta mort", disait une inscription), les pancartes où s'affichait un incompréhensible humour ("le travail, c'est la liberté"), les projections de films sur des vacances aux Baléares... En fait, ils marquent le degré le plus bas où ait jamais pu descendre la barbarie; "enfer organisé", "camps de la mort lente", ils ont coûté la vie à des millions de personnes. |
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Lorsque
vint, pour l'Allemagne, le commencement de la fin, ses maîtres auraient voulu faire
disparaître toutes les traces de l'organisation concentrationnaire, afin que personne ne
sût jamais ce qui s'y était passé, et que leur crime restât ignoré. Mais les bourreaux n'eurent pas toujours le temps de procéder à l'élimination immédiate des survivants. On procéda à l'évacuation des camps de l'Est, "menacés" par l'avance des armées russes, et à leur repli vers l'Allemagne. Puis, on chercha à regrouper les kommandos et les petits camps. Mais au fur et à mesure que se poursuivait l'envahissement du Reich par les Alliés, la machine nazie se désorganisait. Tous les camps ne furent pas évacués : le plus grand nombre des déportés fut libéré sur les lieux mêmes à leur libération.
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Il est
pratiquement impossible d'établir un bilan précis du nombre de victimes de
"l'univers concentrationnaire". En effet, les nazis, qui tenaient une
comptabilité méticuleuse des "entrées" et des "sorties", ont le
plus souvent, s'ils en ont eu le temps, détruit les archives des camps. Dans les années qui ont suivies la guerre et la révélation de l'atroce réalité, les nombres avancés ont, sous le coup de l'émotion, sans doute été quelques peu supérieurs à la réalité. Il faut rendre hommage à l'honnêteté intellectuelle des historiens qui n'ont pas hésité à modifier (en baisse) leurs chiffres lorsque les résultats de recherches plus systématiques ont permis "d'affiner" les bilans. On peut évaluer à près de 7 500 000, le nombre total des concentrationnaires. Environ 80% d'entre eux ont péri dans les camps. Cinq millions et demi d'Israélites ont été exterminés à Auschwitz et dans les camps de Pologne (3% seulement ont survécu), ou massacrés sur les lieux de leur capture, et plusieurs dizaines de milliers de Tziganes d'Europe centrale, condamnés à mort eux aussi pour cause d'appartenance à une "race inférieure". |